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Shanghai Flow
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12 septembre 2006

Retrouvailles (Part I)

Retrouver d'anciennes connaissances est un événement pour lequel il faut être préparé. Pour ma part, mes retrouvailles avec cette espèce d’êtres humains se fait toujours au moment ou je m’y attends le moins. Autrement dit par surprise avec ma personne faisant des bonds incontrôlés sur le trottoir.

La semaine dernière, en allant chercher d'un pas joyeux, au Tabac Presse d'en face le troisième numéro de mon bimensuel favori Les Extraterrestres Et Nous. Troisième numéro : La vérité sur vos colocataires ! voilà qu’un couple d’individu se plante devant moi, me barrant littéralement le chemin.

Un rapide coup d’œil sur la situation me fait comprendre que ces gens, un homme et un femme, n’appartenaient manifestement pas à cette espèce malfaisante qui attaque le quidam ordinaire sur les chemins urbains, essayant au moyen d'une mimique à faire pleurer un mur, de lui soutirer quelques menues monnaies en échange d’un infâme journal sur l’apparition de l’antéchrist, les conditions de logement déplorables ou du sixième enfer sur terre.

J’en profite pour signaler que je n’ai rien contre ces individus qui par des moyens, somme toute honnêtes, tentent de survivre au sein de nos sociétés. Sociétés particulièrement impitoyables et ingrates envers tout individu parlant avec un fort accent bulgare et s’habillant comme dans les pires scènes champêtres d’un tableau de Bruegel l’Ancien.

Et j'en profite aussi pour signaler à ces personnes que moi aussi je tente de survivre dans cette société et que mon porte monnaie lui-même m'insulte quotidiennement tellement je suis fauché. Donc, lâchez moi les frères !

Les deux personnes qui me faisaient face me regardaient avec des yeux écarquillés à l’extrême et des sourires épanouis sur le visage.

Surprise_09

Même si j’avais instinctivement mis ma main droite sur mon maigre porte monnaie et la gauche en l’air, prête à balancer une technique fulgurante de Kung-fu sur leurs faces, je ne pus lire une once de malveillance dans leur comportement.

Ces personnes semblaient visiblement heureuses de contempler un être humain aussi parfaitement équilibré et pittoresque que moi. Comportement qui mérite donc d’être encouragé. Je pris une attitude en adéquation avec la situation, me mis à sourire à mon tour et leur fit un …heu, salut ! et m’apprêtait à poursuivre mon chemin lorsque d’une seule voix, l’homme et sa compagne hululèrent soudain en cœur Mister K ! Incroyable ! Toi ici ? ! ? C’est trop géniaaaaaal-ooeeeuu !

C’est à ce moment précis que je pratique allègrement le bond de surprise. Et j’avoue ne pas m’en être privé. En fait de hululement, l’intonation tirait plutôt vers le miaulement intempestif et gras. Et se faire miauler dessus en pleine rue est une expérience assez éprouvante pour les nerfs et plus grave pour son amour propre.

Il faut savoir que lorsque je vaque à mes occupations dans l'enfer urbain, je m’arrange pour passer incognito, façon Ninja de la rue et que je tire une tête qui fait se retourner les passants en se disant à voix basse : Hey, t’as vu la tête de ce type ? Bon dieu qu'il est louche !

Non seulement j’étais surpris mais un embarras sans nom s’était emparé de moi. Je reconnaissais enfin ces deux personnes ! Mister S. et Miss V ! Couple d’amis que je n’avais par revu depuis au moins quatre ans et que je ne m’attendais vraiment pas à retrouver ici dans ma nouvelle ville d’adoption.

Mister S : Je n’en reviens pas. C’est to-ta-le-ment trop hal-lu-ci-nant !

Mister S. s’est toujours exprimé comme ça. En découpant les syllabes dès que le mot en fait plus de trois. Une manière qui m’exaspère grave. Il n’avait donc pas changé sur ce point.

Miss V : Hallucinant ! (Série de rires frisant l'hystérie collective) Mister K ! C’est génial-lœu !

Miss V possède l’horrible manie de reprendre le dernier mot de la phrase sortie par son compagnon Mister S et de toujours finir ses phrases avec l’intonation typique Bobo.

L'intonation Bobo consistant à rajouter, selon sa fantaisie du moment, un œu comme dans œuf à toute fin de mot où l'on juge opportun de le placer. Manie qui m’agace grave aussi car ça me rappelle instinctivement la diction machiavélique de Fogiel.

Pas Marcel Fogiel mon copain de belote mais Marc Olivier Fogiel, l’animateur de On Ne Peut Pas Plaire A Tout Le Monde. Et surtout si on s’appelle Dieudonné.

Mister S et Miss V forment un couple depuis la nuit des temps. Ce qui remonte au lycée où ils se sont connus. Ils sont jeunes, travaillent dans des trucs trop cools, n’ont pas d’enfants et font partie de la caste dominante de ce pays. Ce sont de gentils petits Bobos bien comme il faut.

Bobos02
Bobos de type II

Sympas, sans aucun soucis d’ordre matériel mis à part du genre : A la dernière brocante on a pas pu prendre la petite table en plastique mauve années 70 trop cool-lœu. Just-œu parce que le type voulait pas la faire à moins de 340 euros–œu . Nous à 320 on la prenait-œu !

S. et V. sont proche « de tout le monde » ce qui est la façon Bobo de dire « les gens ». Ils sont branchés nouvelles tendances, ne ratent aucune exposition sur l’architecture soviétique de Juin à Juillet 1956, écoutent Herbert Leonard pour son côté trop kitsh mortel et Mussorgsky parce que ça épate les amis qui parcourent leur cédéthèque.

Amis qui ont tous sur le sujet la même inévitable et lamentable réaction : C’est quoi ce Mousse Gorsky ? C’est cool à écouter ?

Ce à quoi Miss V réponds invariablement avec un petit rire de souris : Lol-lœu.

Et là c’est pas de la blague amis lecteurs de Shanghai Flow. Miss V dit vraiment Lol au lieu du trop convenu rire de chimpanzé auquel nous autres demis humains simiesques sommes habitués. Quand elle rigole elle dit Lol.

C’est Mussorgsky ! Lol-lœu ! Oui c’est super-rœu ! Tu vois le genre fusion tango-electro de Gotan Project ? Et ben c’est ça mais genre classique. Trop cool-lœu ! Tu le veux ? Prends le-œu !

Bref, Miss V et Mister S sont des gens bien.

Et voilà que je les retrouvais à des milliers de kilomètres de la ville ou je les avais connus. Rencontre dans des circonstances que j’aurais l’occasion de narrer tellement ça paye. J'y reviendrais.

Mister K : C’est clair que c’est trop bizarre de vous trouver ici. Comment ça va ?

A SUIVRE...

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Commentaires
M
Qu'est-ce que ça fait du bien de rire !!!<br /> <br /> J'attends avec impatience l'encyclopédie des bobos.<br /> <br /> Bisous Mister K-oeu<br /> <br /> PS : je voudrais rassurer ma copine Liu L-oeu-oeu, elle n'a rien d'une bobo :-)
M
Nessy> le Bobo de type I c'est le pire. J'en connais quelque uns mais je les évite comme la peste. Pour avoir une idée, Frederic Beigbeder s'en approche dangereusement de ce Type I du Bobo. Mais je me suis promis de faire un post sur le vaste et encyclopédique sujet des Bobos. Toutes les bonnes volontés sont conviées. Même les bonnes volonté Bobos. Il y en a de supers cools aussi dans le lot :)
M
Orbiix, The Liu, Mae, Artway, Gwen, KwAame> ce post est basé sur des faits authentiquement rigolos. Content d'avoir partagé l'épisode.
N
quel est le bobo de type I ?
K
Ce qui me fait trop rire c'est la fin de ton post "Mister K : C’est clair que c’est trop bizarre de vous trouver ici. Comment ça va ?", parce que souvent dans ce genre de situation, on a pas le temps d'en placer une, et si on a un peu de chance on peut placer un "et vous?" ou "ha d'accord, cool". j'attends la suite Mister K !
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