High Yellow Fantasy (Part I)
"Yellow Man" Keith Haring's studio, NY, 1985
High Yellow Fantasy (Note en 3 Parties) Part I
High Yellow est une expression que j’ai entendue pour la première fois aux Etats-Unis. C’était, pour ceux qui l’employaient, une façon de me définir et donc de me situer dans les diverses catégories de l’univers racial et coloré nord-américain.
High Yellow est utilisé par les africains américains pour désigner les individus de leur communauté ayant la peau très claire et qui conservent plus ou moins les traits physiologiques répandus chez les noirs. Nez fort, lèvres charnues, jambes allongée, postérieur solide, la faculté de se laisser pousser un afro qui impressionne le quartier, etc...
Pour donner un ordre d'idée, le High-Yellow américain peut s'appliquer dans une gamme de couleurs qui irait de Malcom X à Zidane en passant par Maria Carey, Nefertiti, mes beaux-frères, sauf celui-là bien sur, le Lieutenant Commander Data (1) mes soeurs et moi. Voilà le concept de High-Yellow que l’amateur de langue anglaise saura traduire aisément par Grand-Jaune.
Et c’est ce que je suis. Un Grand jaune. Plus précis encore que métis. Un individu d’ascendance noire et blanche, dont le teint de peau est proche des peaux blanches et doté de caractéristique physiologique me distinguant aisément d’un suédois sans pour autant qu'il soit possible de me différencier totalement de l’italien du sud ou d’un juif yéménite.
D’ailleurs, selon la dose de soleil prise dans l’année (2), je passe aussi bien inaperçu dans le sud marocain, sur les hauteurs de Rio de Janeiro qu’en sirotant un lait fraise à Fort de France. De même qu’un séjour très prolongé dans le nord de l'Islande me permetrait, si je survis au choc, de limite passer pour un gars du coin dans n’importe quel pub du village d’Innishannon en Irlande. En me faisant même payer des bières par mes voisins de table qui me demanderaient, dans un gaélique irréprochable, si ma grand-mère habite toujours à Cork.
Petit détail me concernant, j’ai cette bizarrerie de la nature, assez commune d'ailleurs chez d'autres High-Yellow, qui fait que mes yeux, que j’ai marrons d’ordinaire, exposés quelques temps à une vive luminosité naturelle, deviennent progressivement verts. Avec de curieux reflets jaunes. Mon colocataire, dont la fourberie n’a pas d’égal, m’assure même que si je fixais assez longtemps le soleil, mes yeux vireraient alors au bleu. Je n’en doute pas mais je ne suis pas certain d’être en mesure par la suite de pouvoir le vérifier par moi même.
Bref, je suis un High-Yellow limite caméléon. Vous savez maintenant pourquoi les services secrets du monde entier s’arrachent mes services. Car entre James Bond et moi, je sais qui ferait tâche au coeur des montagnes afghannes, au milieu d'une sympathique réunion tupperware organisée par les talibans du secteur.
D’ailleurs, en parlant de High-Yellow, les vrais fans d’Elvis savent non seulement qu’il est vivant mais aussi que le King interpréta une chanson évoquant les Grands Jaunes. C’est Yellow Rose of Texas, un air traditionnel du sud des états unis. Cette chanson relate l’épopée, plus ou moins romancée, d’une femme du 19ieme siècle, Emily D.West, métisse High-Yellow libre, durant la guerre d’indépendance du Texas contre le Mexique. La légende dit que grâce à sa beauté, elle parvint à subjuguer les forces mexicaines et favorisa ainsi la victoire des forces Texanes.
La chanson comportait à l’origine les paroles suivantes :
There's a yellow rose in Texas, That I am going to see
No other darky knows her, No one only me
Il y a une rose jaune au Texas que je m’en vais voir
Elle n’est connue que de moi et d’aucun autre noir
Paroles qu’Elvis, dans sa version des années 50 modifia en :
There's a yellow rose of Texas I'm goin' for to see,
No other soldier knows her, nobody only me.
Il y a une rose jaune au Texas que je m’en vais voir
Aucun autre soldat ne la connaît à part ma poire.(3)
Ainsi, par l’existence de cette chanson, l’expression High-Yellow était déjà en usage au 19ième siècle.
Je suis, disais-je donc, un High-Yellow. Un grand jaune. Et encore, je suis dans la catégorie ultra-light des grands jaunes et dans ma fratrie multicolore, le grand jaunisme n’a pas été réparti de la même manière. J’ai l’une de mes sœurs, par exemple, qui se trouve être d’un Grand Jaunisme plus prononcé.
Moi, cheveux coupés très courts et en évitant le soleil quelques semaines, je peux très facilement me faire inviter dans les soirées hypes du Klu Klux Klan. Ma sœur aurait beaucoup plus de mal et quand à mon père, il se verrait assurément refuser fermement l’entrée par des moyens impliquant, entre autres injures à caractère racial, la crémation subite d’une croix chrétienne sous ses yeux ébahis.
Notez bien que j’emploies là le conditionnel. Car la probabilité que mon père puisse envisager se divertir l’esprit dans une fête, aussi endiablée soit-elle, de Rednecks (4) du Mississipi affublés de robes blanches, est assez proche du zéro absolu. Ceci dit, il est assez facile pour tout un chacun d’obtenir son ticket pour la Klan parade annuelle me dira-t-on à raison : il suffira de prendre soin de ne jamais enlever sa cagoule et sa robe. D’ailleurs, si ça se trouve, les trois quarts des effectifs du Klu Klux Klan sont noirs mais cela, hélas, personne n’est en mesure de le confirmer ni de l’infirmer.
Mais là n’est pas le sujet de la note. Revenons au grand jaune. Je suis donc, selon les critères énoncés plus haut, perçu et qualifié par les africains américains comme un High-Yellow. J’aborderais dans ma prochaine note la façon dont le concept de Grand Jaune est décliné dans les Antilles française.
(à suivre...)
Mister K.
(1) de Star Trek : Next generation
(2) et accessoirement 15 cm d'afro bien coupé en plus
(3) Que les fans d'Elvis me pardonnent la traduction cavalière mais il fallait que je fasse rimer la chose, c'eut été chanté par Maurice Chevalier et j'y étais ;-)
(4) traduction littérale : les "nuques rouges" que l'on traduit souvent à tort par culs-terreux ou encore bouseux. Noton que "nuques rouges" est un façon cocasse de se faire appeler pour des gens ne jurant que par la prétendue pureté de la race blanche et préférant largement un bon barbecue arrosé de boisson à base de houblon à une discussion sérieuse sur le rapport entre la philosophie et Bernard Henry-Levy.