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Shanghai Flow
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20 juin 2006

Idéologie du Bitume

pulse_of_the_street_by_purity05
Pulse of The Street by Purity O5

Je vous emmène en visionnage...

...une escapade sur les sillons craqués d’un 33 tour. Ecoutez ce sample langoureux qui souffle longtemps sur le versant noir des collines de nos âmes, prises dans la boucle jusqu’à ce que le saphir se taise. Dans ces rimes de vinyle fondues tel un rêve de Dali, j’y ai croisé un prêtre vêtu d’un sari safran, déclamant savant des poèmes sus dans une langue ancienne et guerrière.

Le glas d’un clocher au loin soudain résonne. La logique sonore de l’urbain. Puis, juste avant que n’arrive le dernier tramway, le prêtre s’assied en méditation, avant que la rue ne l’avale lui et sa prose bloquée dans son réseau de neurones dopés aux refrains de Bob Marley.

J’y étais, j’ai vu, j’ai su l’idéologie du bitume.

Regardez cette rue : ce Bronx intemporel et continu sur lequel gravitent tant de carcasses paumées, sur goudron ou sur pavés. Cette mélodie d’humain mêlée aux moteurs, crachant tous leur dégoût suintant d’une vie à l’envers, comme un break beat fêlé, répercuté sur les baffles de pierre de taille de ghettos blasters posés dans le décor en file d’immeubles crasses.

Les ordures, les âmes trash : tous sont boostées par les pulsations d’une basse invisible qui pulse dans cette rue pour les faire avancer, à chaque pas posés plus mutants encore, criant comme des gorets des chorus de punks shootés. Qu’ils aillent se faire niquer tous ces fils de putes qui m’annoncent l’air fumés que c’est la lutte finale. Regarde dehors cousin : l’internationale existe bel et bien, c’est le consortium agencé qui désorganise ta pensée et t’oblige à penser qu’il y a des lendemains qui chantent. Contente toi du refrain qu’ils t’ont donné. En pleine nuit les chaînes câblées te prouvent qu’il fait bien jour ailleurs. Contente toi de ça ou alors ferme ta gueule. Par ailleurs, pour ton info, la révolution est en cours. Débranche toi pour le voir.

Une jeune femme s’approche de moi… A voir l’expression de son regard, je sais qu’elle cherche à sauver sa peau et son âme d’un traquenard, posé sur son âme. Elle s’arrête pile en face de moi et se met à me réciter un verset saint du Coran. Au fur et à mesure qu’elle récite, les murs autour de moi s’effritent. Un détail : elle roulait dans sa main droite un chapelet de boules d’ambre noircies… C’est tout.

J’y étais, j’ai vu, j’ai su l’idéologie du bitume.

Mes doigts s’activent sur le clavier, ma pensée se muant en flow de mots au gré de mes humeurs. Une phrase de plus et ce poème sera reprogrammé. Mon majeur appuie sur Enter. Maintenant tout autour de moi, les têtes dans la rue s’agitent d’avant en arrière, en rythme binaire massif qui relie par le verbe les colonnes vertébrales des uns aux autres, synchrones sur le boom bap mental…

Sur le boom bap mental, les mots font mal et même heureux résonnent en boucle pour s’évanouir dans le mix de pots d’échappements percés, klaxons, machines à sous, cliquetis de clefs, bouteille de bière qui casse, miss qui lâche, chien qui aboie, et cetera, et cetera…

C’est bien ça : dans nos rues suinte une idée qui n’a de but que la confrontation larvée.

J’y étais, j’ai vu, j’ai su l’idéologie du bitume.

J’ai entendu des notes de piano couler goutte à goutte depuis des fenêtres ouvertes pour exploser sur le goudron brûlant. Les vrais B-Boys ne meurent pas soi-disant, médisaient les médias de la rue, mais mes vrais héros sont tous en rade ou dans l’abîme, leurs bouches cassées, leurs cerveaux clos pour avoir dit trop de conneries à trop d'hypocrites…

Un soir, la rue s’est refermée comme un piège sur mes illusions de sauvage, un piège rythmé par des beats Hip-Hop et des samples de sirènes de police. J’ai vu les hécatombes dans leurs cités, j’ai vu en live autant de frères griller sous les néons pour des holocaustes sociaux vécus la nuit. Alors les survivants traînent dans les ruelles après minuit, s’insultant touts seuls, devenus des ombres solitaires, vidés de leurs rêves. Leurs pas titubent, drogués et grogys par les directs du gauche de la vie. Ces coups bas que l’on ne voit pas venir et qui vous mettent KO pour le restant de vos jours et vous tissent une camisole en guise d’étoiles.

Combien ont rêvé de lever au ciel leurs deux bras en signe de V ? Et tout ce qu’ils ont pu atteindre ce sont des bouts de trottoirs où chaque nuit ils dégueulent, seuls, ce qui leur reste de fierté sur des murs couverts de pisse. Je parle de ce que je connais et dis ce que je sais, puisse mon flow anticiper la paix qu’ils méritent tant pour m’avoir élevé et rendu conscient à leur insu et à mes dépends…

J’écris des mots pour un peuple d’ombres casé dans ma mémoire, pour tous ces génies cramés qui crient dans l’encre de ma prose. Que mes mots soit leur refrain posé sur les quatre temps de ces tempos lents qui chantent les révolutions perdues, de cette escapade sur les sillons craqués d’un 33 tour…

J’ai vu, j’ai su l’idéologie du bitume…

Donne moi du feu s’il te plait…


mister_k_signature13
  Ideologie du bitume Redux 06'
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Commentaires
M
Liu, Misterpointcom, Mae, Gwen, KwAame > merci pour vos commentaires sur ce texte. Je retiens (entre autre) les mots suivants : boucle de mot, rythme, effet de fluidité, brûlot et "on en prend plein la figure". C'est très sincèrement encourageant car les choses se sont posées ainsi en l'écrivant ;-)
K
Je ne dirai rien sur le texte lui-même, tu sais ce que j'en pense. Tu disais un jour "on n'arrive jamais à écrire ce qu'on veut", mais l'une des forces de l'écrit est d'arriver à se faire entendre des yeux, du cerveau et du coeur du lecteur. Si tu n'arrives pas à écrire ce que tu veux, c'est tant mieux, parce que déjà là on en prend plein la figure. Tel un élève de Shaolin, accroupi, occupé à observer la danse de la menthe religieuse pour essayer d'en tirer une ou des leçon(s), je viens tous les jours lire tes écrits. Tu te hisses petit à petit au rang de maître d'école et nous... on apprend. Keep the Vibe Up!
G
Bon je ne vais pas dire que ton texte est très bien écrit. Pourtant c'est vrai mais je n'ai pas envie d'écrire sans cesse le même commentaire...<br /> Mais là ça fait quelques jours que ton blog est muet...<br /> Trop de matchs à regarder à la télé ? Trop d'équipes à supporter ?<br /> Mais prend ton temps pour écrire de tels brûlots...<br /> <br /> Clic voici le feu de mon briquet, mon biquet !!!
M
Tous les matins je prends le bus qui suit les boulevards interieurs du nord de Paris. Et tous les matins je suis fascinée par cette beauté urbaine pourtant si délabrée. Tous les matins je me dis que j'aimerai y poser des mots et en faire des images. <br /> Tous les matins à partir de demain, je penserais à tes mots en voyant la beauté des "...carcasses paumées, sur goudron ou sur pavés. Cette mélodie d’humain mêlée aux moteurs, crachant tous leur dégoût suintant d’une vie à l’envers, comme un break beat fêlé, répercuté sur les baffles de pierre de taille de ghettos blasters posés dans le décor en file d’immeubles crasses."<br /> <br /> clic, voici le feu de mon briquet !
M
Tu enchaînes les mots de façon si naturelle que tout semble facile, j'aime bien cet effet de fluidité qui se dégage de tes écrits, j'aime la modestie d'un travail qui sait se faire discret
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