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Shanghai Flow
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27 février 2006

Vacances en Boizardie (Part 13)

Demande à l’Ermite du Camping


camping_beau_s_jour1
Vue du camping Beau Séjour
(ma tente est celle à l'extrême gauche)

    Quatrième journée en Boizardie. J’avais passé la veille à me reposer et à récupérer de ma rencontre avec Pedro Pingo et j’allais consacrer celle qui se présentait à me familiariser avec le camping et ses divers occupants.

    Je me suis rendu chez le réceptionniste pour m’informer des diverses activités proposées pour la journée. Le réceptionniste est un Boizardien du nom de Philomène, aux gros yeux expressifs, à la calvitie luisante et doté d’une petite barbe bien taillée. Il est souriant, serviable et légèrement plus grand que la moyenne des Boizardiens.
 

    Si vous êtes attentifs aux détails mineurs de ce récit de voyage, vous aurez noté qu’en Boizardie rares sont les individus qui dépassent le mètre 50.

    D’après les indications du seul guide que j’avais pu me procurer avant mon départ : La Boizardie ou le peu qu'on en sait, le plus grand Boizardien de l’histoire mesurait 1m71 et était, toujours selon le même guide, particulièrement poilu et hargneux. Se trouvant être le plus grand des Boizardien, il en avait conclu que cela ferait de lui un excellent candidat pour l’élection du roi de Boizardie. Mais le bon peuple de ce pays lui avait préféré un autre candidat d'un mètre 65 et bien plus hargneux. Depuis, le plus grand des Boizardiens avait disparu en promettant de se venger.

    Philomène m’annonça que dans l’après midi, une troupe de danseurs folkloriques Boizardiens allait venir pour une représentation spécialement destinée aux occupants du camping.

    D’après le peu que j’avais pu en voir jusque là, si le folklore Boizardien consistait à accueillir les touristes en tentant de les détrousser ou d'hurler de rire en se frappant mutuellement le crane à l’aide d’une spatule de bois toute désignée à cet effet, en criant  : Kwaak !!, j’aime autant vous dire que je n’étais pas curieux de les voir danser.

    Pourtant, ceux qui me connaissent savent à quel point je suis amateur de ces activités qui consistent à gigoter fraternellement en rythme. Le réceptionniste me regarda avec une mine contrariée.

- Vous ne signez pas la feuille pour assister à la représentation ?
- Dites moi Philomène, dans cette danse folklorique, il y a-t-il un moment où les danseurs se frappent mutuellement dessus en s’esclaffant avec des rires horribles ?

Il me regarda l’air surpris.

- Je vois que vous êtes fin connaisseur de nos traditions. Malheureusement non, les parties traditionnelles de la danse ont été supprimées pour que les touristes puissent aborder plus facilement notre culture.
- Sage idée. Et il y a-t-il un moment où les danseurs interrompent leur chorégraphie et se jettent sur le public pour les délester de leurs biens matériels ?

Le réceptionniste eut un mouvement de tête négatif, une déception non dissimulée sur son visage.

- Cela n’y figure pas non plus monsieur. Que voulez vous, les bonnes traditions se perdent de nos jours.
- Ah ! Effectivement, les bonnes vieilles valeurs se perdent hélas.
- Ah oui ? Vous avez des coutumes qui se perdent aussi ?

    Vous savez ce que c’est quand une personne s’intéresse à votre culture. On se sent emplit d’un devoir de satisfaire sa curiosité. C’est ce qui s’appelle donner dans l’échange culturel.

    Et je brossais donc à Philomène, le réceptionniste du camping, un rapide tableau des diverses coutumes et traditions que notre culture avait abolies ou alors réduites à peau de chagrin dans des villages arriérés sans possibilité de connections adsl.

    Ainsi, grâce aux portables, il ne nous est plus possible de s'oxygéner les poumons par une longue marche de nuit, dans une campagne lugubre, en essayant de trouver la cabine téléphonique la plus proche, avant que le loup garou du secteur ne surgisse pour vous demander l'heure. Tout cela dans l'optique de signaler à une âme charitable que l’on était tombé en panne d'essence au beau milieu d’une nature hostile.

    De même, nous n'avions plus l'obligation d’élever des pigeons pour envoyer un sms de félicitation pour la naissance d'un neveux survenue à des milliers de kilomètresi. Neveux qui, par le retour d'un autre pigeon, vous informe que pour ses dix-huit ans il préfèrerait recevoir un virement sur son compte en banque suisse au lieu de la boite de crayons-couleurs et le petit livre : J'apprends à faire des ronds et des carrés rigolos. Les portables et Internet nous avaient ainsi forcé à abandonner l'élevage de pigeons.

    Et ainsi de suite. Quand je terminais l’échange culturel, Philomène secoua la tête.

- Il doit être bien triste votre pays. Chez nous, nous n’avons pas perdu autant de coutumes que vous. C’est rassurant.
- C’est un point de vue qui se défend.

    Je changeais de sujet. Il y avait une cabane au beau milieu du camping qui possédait la particularité d’avoir une sorte de petit potager devant sa porte. Elle avait piqué ma curiosité au vif.

- S’il vous plait, Philomène, qu’est ce que la petite cabane au milieu du camping ?
- C’est la cabane de l’ermite.
- Un ermite ? Vous voulez dire une personne qui vit solitaire et retirée du monde ?
- Exactement.
- Au milieu d’un camping de touristes ? Je pensais que les ermites avaient une nette tendance à passer le reste de leurs jours à maudire l’humanité en se flagellant à l’aide de branches épineuses et si possible dans le silence d’endroits totalement désertiques et sinistres.
- C’était le cas de cet ermite. Il était déjà là bien avant nous vous savez. C’est le camping beau séjour qui s’est construit autour de sa cabane. Avant c’était désert ici.
- Mais pourquoi reste-t-il ici ?
- Je ne sais pas. Vous pouvez toujours aller lui poser la question vous même.
- Sérieusement ? Enfin, je veux dire, il sera d’accord pour répondre à ma question ?
- Bien sur. Allez-y ! On fait tous ça ici. Il adore ça. C’est même devenu son rôle au camping. Chaque fois qu’on a une question, on frappe à sa porte, on la pose et il réponds. N’importe quelle question. Il réponds toujours. Il faut juste venir avec une poignée de petits cailloux. Il les collectionne.
- Tiens donc. Et bien, je suis curieux dans ce cas de le rencontrer cet ermite. Je crois que c’est même ce à quoi je vais employer mon après-midi. Au revoir Philomène.

Et je me rendis comme prévu dans l’après-midi vers le cabanon de l’ermite du Camping Beau Séjour.

philom_ne_r_ceptoniste

Philomène, le sympatique receptionniste
du Camping Beau Séjour

A suivre ...            

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Commentaires
M
en fait c'est pas si rassurant que ça de savoir que d'autres civilisations connaissent aussi le recul des traditions, ne serions nous pas faits tous autant que nous sommes pour la continuation d'un patrimoine quelconque ?<br /> Voyons voir cet ermite !
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