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21 février 2006

Vacances en Boizardie (Part 8)

Casus Belli en Boizardie.

    Les psychanalystes définissent ainsi le concept de haine : sentiment intense éprouvé par un sujet qui désire la destruction de son objet. Elle est la source de l'agressivité, du mépris, de la vengeance et de l'intolérance à l'autre.

    Je ne prétends pas n’avoir jamais été victime de ce sentiment pathétique, j’en prends à témoin la nature de mes relations conflictuelles avec mon colocataire Pharkozy, mais je peux néanmoins affirmer avec vigueur que la haine ne fait pas partie de mon lot quotidien.

    Mais dans la situation où je me retrouvais, quasi séquestré dans un cabanon de tôles en compagnie du propriétaire des lieux, une créature palmée du nom de Pedro Pingo, le concept de haine commençait à prendre racine dans mon esprit.

    Ceux qui comme moi ont suivi avec intérêt la carrière atypique d’Anakin Skywalker, père du jeune Luke, savent qu’il existe un moment particulier de tension de l’esprit où le plus sympathique d’entre nous peut très bien basculer dans un monde où trucider son prochain au sabre laser et s’habiller de noir en portant des masques respiratoires sophistiqués devient la meilleure manière d’occuper ses loisirs.

    C’est ce que des philosophes contemporains tels qu’Akhenaton et Shuriken Chang-Ti nomment : le côté obscur de la force. Et à ce moment là de mes vacances j’en éprouvais l’irrésistible attrait.

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le plus sympathique d’entre nous peut très bien basculer dans un monde où
s’habiller de noir en portant des masques respiratoires sophistiqués
devient la meilleure manière d’occuper ses loisirs.
Mister K (p.387 in Sous le Pont d'Avignon, Vol.1)

    Comprenez bien. J’étais un simple touriste en Boizardie désirant juste visiter la région en compagnie d’un guide. Le fondement même de l’existence du touriste qui se respecte. Au résultat, je me retrouvais en présence dudit guide touristique qui s’avérait être un pingouin ou un manchot hyper susceptible et potentiellement fou à lier.

    Et j’étais dans cette petite pièce sombre et trop climatisée au papier peint bleu décoré de motifs de poissons. Je reste persuadé que dans une situation similaire même un expert en self-control comme l’honorable Mahatma Gandhi aurait eut le visage parcouru de quelques tics nerveux.

- C’est le moment de vérité Gringo ! Je vais savoir si tu es digne de m’avoir comme guide touristique. Sa voix trainante et rauque se faisait menaçante.

    Il me fixait de ses deux yeux ronds et noirs avec une intensité telle que j’en avais mal aux yeux. Son bec luisant et acéré se trouvait maintenant à une distance affreusement intime de mon visage.

    Assis, je mesure à peu près 1m40. Je dépassais donc d’une courte tête la taille de Pedro Pingo debout et bien trop près de ma chaise. Son haleine était suffocante. Le type cocotait aussi sévère que le vide ordures d’une poissonnerie. C’est ce genre de détail ajouté à tout un tas d’autres tout autant déplaisants qui faisait monter la haine en moi comme les eaux du déluge.

    Cet avaleur de céphalopodes vivants ne l’emporterait pas au paradis ou quelque soit l’endroit déprimant qui corresponde aux créatures de son espèce. Il avait un bec tranchant et pointu, des palmes griffues et des ailes atrophiées pouvant très bien fonctionner comme deux battes de base-ball en simultané. Pour ma part je disposais de la bouteille de bière dans ma main et d’un low-kick façon boxe thaï assez redoutable que j’avais perfectionné durant des mois en Thaïlande auprès de Maître Luxuha Xuam.

    Son bec s’approcha d’un bon centimètre de mon visage. Je retins ma respiration.

- Je vais te poser une seule et unique question gringo ! Si tu réponds juste je serais ton guide touristique pour toute la durée de tes vacances. Et après ça la Boizardie n’aura plus aucun secrets pour toi.

    Je rassemblais mes esprits. Prudence. C’était peut-être une tentative de divertir mon attention pour méchamment me becqueter les yeux à l’improviste. C’est la bonne vieille méthode du ni vu ni connu je t’embrouille que le célèbre Sun Tzu à consignée dans son Art de la Guerre au chapitre : De l'Affrontement direct et indirect. Pedro Pingo avait-il lu Sun Tzu ?

- Et si, lui dis-je, simple hypothèse en passant, si je réponds à côté de la question ?

    Il plissa les yeux comme il le faisait quand il engloutissait ses fournées de calmars vivants. Cela n’augurait rien de bon, les calmars peuvent en témoigner.

    Pedro Pingo ouvrit lentement le bec. La pression de ma main se fit plus forte sur la bouteille de bière.

- Suis bien le mouvement de mes deux lames cornées amigo et réponds ensuite. Prends tout le temps que tu veux pour répondre, mais il me faut la bonne réponse gringo !

    Il me fallait être extrêmement attentif. J’étais dans un tel état de concentration que j’en arrivais même à saisir des bribes de la conversation qui se murmurait entre le frigo et le climatiseur dont voici pour preuve un court extrait :

Le Frigo : Dis moi ma jolie, t’en es où niveau rejet de gaz ?
La Clim : Tu veux dire par rapport à la couche d’ozone ?
Le Frigo : Yep ! Alors ?
La Clim : Ben ça va, j’ai subi mon petit contrôle le mois dernier. Ce qui m’embête le plus c’est mes émissions de bruit. J’en fais plus que d’habitude.
Le Frigo : Aïe ! Et c’est à dire ?
La Clim : Ben là je tourne à 48 décibels alors que je suis sensée plafonner à 30. Voire 32 maximum sous stress ! Je couve un truc c’est sur.
Le Frigo : La vache ! Fais gaffe ma poule, à 48 décibels tu te rapproches dangereusement de la gêne sonore. C’est passible d’une révision tu sais. Et les normes actuelles ne jouent pas en ta faveur. Tu devrais consulter si tu veux mon avis.

    Quand on en arrive à ce degré de concentration, j’aime autant vous dire qu’on parfaitement disposé à entendre clairement la question d’un guide touristique pourvu de pattes palmées et gros amateur de calmars frais.

- Je vous écoute. Posez votre question. En français, s'il vous plait, je ne suis pas très fort en espagnol.

    Le bec de Pedro s’entrouvrit et ses yeux noirs et ronds comme des balles de tennis se fixèrent sur les miens :

- Ma question est simple hombre. Suis-je un pingouin où un manchot ? Prends ton temps amigo.

A suivre...

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