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Shanghai Flow
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18 février 2006

Vacances en Boizardie (Part 3)

Fulup Le Funeur.

    D’aucuns disent que les voyages forment la jeunesse, mais à part me mettre les nerfs à vif, mon séjour en Boizardie commençait assez misérablement question formation du jeune. Si voyager à l’étranger signifie subir des traumatismes d'ordre nerveux alors je peux dire que j’avais atteint la dose maximale avant extinction des fonctions vitales. Et cela à peine arrivé à l’astroport.

    Le voyage avait été si insupportable que je produisais des efforts surhumains pour éviter de penser au trajet retour qui m’apparaissait déjà aussi festif que la fin du monde. A ceci près que ma fin du monde à moi était déjà fixée avec précision par mes billets de transport. Dans deux semaines.

    L’arrivée en Boizardie, suivie par l’interrogatoire sadique des services des douanes locaux*, avait fait chuter mes points de santé mentale dans le négatif. L’agression subie ensuite aux abords de l’astroport par une troupe de Boizardiens nains voulant à tout prix me délester de mes bagages avait tout simplement failli emporter les derniers lambeaux meurtris de ma psyché.

    Imaginez alors avec quel bonheur j’accueillis l’âme charitable m’ayant tiré de ce cauchemar. Son nom : Fulup Le Funeur. Taximan de son état.

fulup_le_funeur_text
Fulup Le Funeur

    Le fait que cet envoyé de la providence soit un nasique ne me perturba pas plus que cela. Il faut savoir que je partage quand même mon appartement avec Pharkozy. Un chat venu de l’espace avec la ferme intention de mettre fin aux agissements de Alf qui aurait décimé une partie de sa famille sur Melmak. Un chat qui fume comme un pompier et boit comme une éponge. Un être fainéant, téléphage, pilleur de frigo, sournois et menteur, n’hésitant pas par simple esprit de contradiction à pisser sur vos chaussures et qui était la cause même de mon départ en vacances.

    De ce point de vue, un nasique** taximan ne pouvait m’émouvoir outre mesure.

   

Fulup Le Funeur me regardait l’air amusé. J’étais sur ce trottoir devant l’astroport de Boizardie, en sueur, l’afro plus ébouriffé que la normale et des bagages accrochés à moi comme des naufragés à un radeau. J'avoue que si j'avais été à la place du nasique j’aurais même éclaté de rire en me voyant. Je me serais même balancé quelques pierres en criant « Dégage ! T’es trop nase ! Vilain ! Va loin ! ».

    J’étais le touriste paumé personnifié. L'exemple même du type qui n'est pas au bon endroit et au bon moment. Le taximan me fit de sa grosse voix qui faisait aussitôt penser à Jean Gabin et avec un large sourire mettant en relief la taille incongrue de son appendice nasal :

- Alors mon pote ? Où est-ce que tu veux que je t’emmène ? C’est quoi ton hôtel ?
- Ah, monsieur ! Vous pouvez pas savoir comme j’apprécie votre intervention pour me débarrasser de ces…petites gens envahissantes et comment je me délecte de ces questions enfin pleines de sens, j'en frissonne presque de soulagement.
- Je vois ça.
Il sourit en se grattant le nez. C’est clair que l’accueil est un petit peu rude pour les étranger.
- Un petit peu !? Je n’aimerais pas connaitre votre idée du maximum alors.

Je m’empressais de lui donner l’adresse de l’Hôtel que m’avait fourni le voyagiste en France. Il regarda l’adresse écrite sur mes réservations les sourcils froncés, le nez touchant la feuille et me dit :

- Ouais, je vois. Bon on y va. Te bile pas mon pote.

    Il fit brusquement un bond de côté alors que je tentais péniblement de poser ma jambe gauche sur son épaule.

- Mais t’es dingue ou quoi ? Tu fais quoi là ? il criait avec de gros yeux vexés. Je ne comprenais pas.
- Ben je monte sur le…taxi. Vous êtes bien taximan n’est ce pas ? Je fus soudain assaillis d’un doute.
- Oui mon pote je suis taximan ! Aussi vrai que mon blaze c’est Fulup Le Funeur ! Mais mon taxi est garé plus loin ! Mais il est dingo ce gusse ! Me grimper dessus ! Il me dévisageait l’air suspicieux.

    Je pris alors conscience de mon horrible méprise. La honte me submergea et je me répandis en excuses, lui expliquant que je pensais que c’était ainsi que se faisaient les voyages dans cette partie reculée de l’univers connu. J’avais quand même effectué mes six jours de voyage depuis la France jusqu’en Boizardie sur les épaules d’un type en combinaison bleue***.

- Et alors ? Me répondit-il. Tu confonds un avion avec un cheval pour autant ? Bon c’est pas grave, te bile pas mon pote. J’ai réagis sec mais avoue que tu ferais pareil si on te grimpait sur le râble à l'improviste. Allez viens p'tit père. Mon taxi est par là.

    J'étais penaud et songeur pendant le trajet vers son véhicule d’autant que le taximan me lançait des regards et un nez dubitatifs par dessus son épaule. Il était évident que j’aurais moi aussi violemment réagit à toute tentative sournoise d’un inconnu pour me grimper sur le dos. Individu, qui plus est chargé de bagages et profitant de mon inattention la plus totale. Je m’en serais assurément méfié par la suite.

    J'imaginais l'effroyable opinion que ce pauvre nasique devait maintenant se faire de moi et je me jurais de lui faire meilleure impression à l'avenir. En plus c'était de tous les individus rencontrés depuis mon départ de France le seul qui me paraissait alors sensé à des milliards de kilomètres à la ronde. Une personne ressource de première main.

    Nous longeâmes quelques temps l’astroport, puis une série de palmiers nains. Plusieurs véhicules similaires aux voitures sur terre, bien plus délabrés cependant, étaient garés tout du long. Le paysage était composé d’immeubles à deux étages dont certains semblaient faits de terre cuite. Le ciel était gris et j’étais assez du même avis.

    Le nasique mit la main dans la poche de son short kaki et en sortit un trousseau de clefs. Il s’arrêta devant une sorte de…de...vélo dont il défit le cadenas.

- Mais qu’est ce que c’est que ça ? j'avais les pupilles en début de dilatation.
- C’est un monocycle à deux places. Le meilleur du pays.
- Et... votre taxi ?
- C’est mon taxi p’tit père.
- Vous plaisantez ? je commençais à saisir l'horreur de situation avec projection lacrymales incontrôlées.
- Pendant le boulot ? Jamais. Te bile pas mon pote, je prendrais la pédale de droite.

    Vous connaissez l’expression « se jeter en l’air » ? C’est à ce moment là de mon séjour que sa vérité intrinsèque m’apparut dans toute sa splendeur.

taxi_de_fulup
Monocycle à deux places.
Taxi Boizardien.

* : voir Part 2.
** : Le nasique est un singe de Bornéo, de grande taille et au nez particulièrement proéminent. Le nom nasique dérive du latin d'époque impériale nasica, signifiant celui qui a le nez mince et pointu. Intéressant non ?
*** : voir Part 1.

A suivre...

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Commentaires
M
mae > c'est clair que j'aurais du me méfier pour le coup<br /> Gwen > ben tu vois maintenant pourquoi j'étais pas sur le blog depuis ;-) et en Boizardie no Wifi. je l'ai fait à l'ancienne, le stylo et le petit cahier rouge à défaut du livre de la même couleur. thanx very much pour l'appréciation ;-)
G
C'est une excellente idée ce conte en plusieurs parties.<br /> J'ai eu peur un moment que tu ne délaisses ton blog pour d'autres occupations mais je suis rassuré. Un mac sous ta tente mais pas de connections Wifi ? pour nous raconter ton voyage au jour le jour.<br /> J'aime beaucoup ton style et ta manière de raconter tes histoires. Continue tes aventures...
M
Mouarf!! le coup du taxi!!! valait encore mieux les épaules!!
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