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Shanghai Flow
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17 février 2006

Vacances en Boizardie (Part 2)

Arrivée en Boizardie.

    La Boizardie, je préfère le dire tout de suite, c’est vraiment sympa mais il faut quelques temps pour en apprécier la pleine saveur. Et avant cette nécessaire période d’acclimatation vous vivez tout simplement une sorte de mise en perspective de la notion d’apocalypse.

    Une fois descendu des épaules de mon transport spatial*, bagages en main, je me dirigeais vers la porte d’exit. Là je fus pris en charge par les services des douanes de Boizardie.

    Pour donner un juste équivalent terrien, la douane en Boizardie fonctionne plus ou moins comme les services de renseignements en place à Guantanamo. Torture physique en moins mais avec résultats similaires sur la pauvre santé mentale du rare touriste en goguette dans la région. En l'occurrence ma pomme.

    Défiant toutes les mesures de sécurité en usage sur terre, mes bagages n’intéressaient pas les douaniers Boizardiens. J’aurais pu transporter n’importe quoi qui explose, déflagre ou fait des bulles que l’on m’aurait laisser passer quand même. Aucune fouille, rien.

    Par contre ils ont ce qu'ils appellent l'interrogation non écrite. Formalité pendant laquelle je fus bombardé de questions pendant un temps qui laissa des séquelles dans mon esprit.

    Le douanier en chef, filiforme gaillard pourvu de moustaches qui touchaient le sol, s’avança vers moi d’une démarche sautillante, suivi de près par des subordonnés plus petits que lui et sans moustaches.

    Il commença son interrogatoire sans formalités. Mais à peine répondais-je à une question du douanier en chef qu'il enchainait aussitôt par une autre. Si je tentais désespérément d’apporter un éclairage sur la nouvelle question posée il revenait aussitôt sur la question précédente ou en posait une autre et ainsi de suite pendant toute la durée de l’interrogatoire.

    Imaginez une interview faite par un Marc-Olivier Fogiel en pleine crise d’hystérie et vous comprendrez mieux l’état de nerfs dans lequel j’étais. Quand aux questions voici un florilège dont je vous laisse juge.

- Pourquoi portez vous cette coiffure menaçante ?
- C’est un afro, je laisse pousser mes cheveux pour…
- Quelle est la couleur rouge ?
- Pardon ?
- Qui est celui qui pète dans le bus de la ligne 23 ?
- Mais enfin ! Vous n'êtes pas sérieux ? C’est une farce ou…
- Vous n’aimez pas le rouge ou c’est juste rapport au bleu ?
- Hein ? Monsieur, je ne comprends pas le…
- Qui à dit quoi ?
- Ecoutez je…
- Pendant votre voyage avez-vous noté quoi que ce soit qui vous incite à penser qu’un barbu puisse être la face cachée d’un chauve vu de dos ?
- La face cachée d’un… ? Mais qu'est ce que vous...
- Qui fait quoi et qu’en dira-t-on ?
- Je vous en prie monsieur, j’ai passé une semaine à voyager sur les épaules d’un type et…
- La symbolique de la tête d’épingle est-elle un lointain écho ?
- Monsieur, par pitié, là c'est trop …
- Vingt-seize plus trente-douze font-ils soixante dix-huit ?
- Je...
- Est-il déraisonnable d'être fou ou juste assez salé ?
- Arrêtez ça...please...
- Pourquoi douze mais pas d'huîtres ?
- De l'eau...de l'eau ... s'il vous...
- Qu'est-ce qu'une quantité non négligeable d'une masse donnée ?
- ...

    Voilà. Près d’une heure trente de ce traitement par un douanier Boizardien et je vous garantis que vous commencez à saisir l’idée générale contenue dans le sens théologique du mot enfer. J'en étais au point où je commencer à envisager la folie comme un état parfaitement souhaitable. Pour mon bonheur, le douanier en chef conclua soudainement l’interrogatoire.

    S’adressant à ses subordonnés admiratifs, moustache fière et doigt levé, il cria :

- Il est clair ! Il est net ! Il est clair et net !

Ce à quoi ces derniers répondirent en chœurs :

- Clair et net il est !

    Puis, tournant ses bacchantes vers moi :

- Vous pouvez passer monsieur et bon séjour en Boizardie.

    J’avoue être resté une dizaine de minutes le regard dans le vide en tentant de récupérer mes esprits dispersés et blottis en position fœtale aux quatre coins de la salle des arrivées. Je crois même que j'ai profité de ce moment de grâce pour balbutier quelques inepties entre deux coulées de filets de baves.

    Si je raconte dans le détail cette arrivée en Boizardie, c'est qu'elle ne m'a pas laissé indifférent. D'ordinaire je commence à relater mes impressions de voyages à partir du moment où je suis descendu de ma chambre d'hôtel, frais, douché et rassasié avec l'œil qui pétille dans la perspective de la découverte de tout un tas de choses charmantes. Bon ici manifestement, le rythme était différent et plus soutenu.

    Quelques minutes plus tard je posais enfin le pied sur la bonne terre de Boizardie. Les tracas administratifs et douaniers étaient au moins réglés. Il fallait donc m’enquérir d’un moyen de transport pour me rendre à l’hôtel dans lequel j’avais pris soin de réserver une chambre depuis la terre par l'entremise de l'agence de voyage.

    A peine eus-je mis le pied sur le trottoir de l’astroport que je fus pris d’assaut par une horde de Boizardiens d’une taille avoisinant le minuscule me criant des choses dans une langue où je ne distinguais qu’avec peine que quelques mots appris plus tôt.

    En effet, parmi les livres inutiles que j’avais achetés pour apaiser les tourments de la durée du voyage il y avait « Le Boizardien de Poche » édité par Assimil Evasion. Et question évasion le Boizardien est une langue qui dépayse assez violemment je dois dire. Le Magyar en comparaison vous paraîtrait aussi doux et familier que le murmure d’un ruisseau.

    Parmi les bruits effroyables vociférés par les Boizardiens amassés en grappes autour de moi je reconnus « Krik ! » et « Krok ! », respectivement  « Donne moi ! » et « A moi ! ». A quoi je me hasardais de répondre timidement mais systématiquement par « Krouk !» ce qui signifie « Pas touche ! ».

    Mais leurs petites mains avides s’accrochaient furieusement à mon sac en bandoulière, ma valise à roulette et mon sac à dos et leurs yeux rouges et menaçants me fixaient avec la limpide intention de me dépouiller sur pied.

    J’étais sur le point d'être submergé par cette horde de similis hobbits en pensant au sort que je partagerais bientôt avec le pauvre Davy Crockett à Fort Alamo quand une grosse voix se fit entendre derrière moi, criant une série de mots dépassant mes capacités linguistiques mais qui eurent pour effet immédiat de disperser comme par enchantement la petite tribu de Boizardiens voraces.

    Je me retournais en sueur et haletant. Et je vis mon sauveur.

- Salut ! Je me présente : Fulup Le Funeur à votre service. Je suis taximan.

    Je le regardais la mâchoire ballante. Mon sauveur était un…nasique.

fulup_le_funeur
Fulup Le Funeur. Taximan

* : voir Part 1.

A Suivre...

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Commentaires
M
mae > la Boizardie existe bel et bien, tu l'auras deviné ;-)
M
mmmm! je crois que j'aime de moins en moins ta Boizardie, elle ressemble un peu trop à certains endroits de la terre......
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