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Shanghai Flow
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20 novembre 2005

Lehaim - Michael Sebban

hall_de_gare1

Me voici dans un hall de gare à attendre une correspondance. J'ai pas loin de deux heures d'attente. Je fais un tour rapide en ville aux abords de la gare. Immense place piétonne devant la gare bordée de cafés, brasseries et commerces divers à gauche et à droite.
Comme j'ai l'air débile debout sur la place avec ma valise à roulette et mon sac à dos accroché…au dos.

C'est une grande ville, je le sais maintenant, super.
Je reviens dans l'immense hall de cette gare qui fait penser à un véritable petit aéroport international.
Il y a plein de kiosques et de cafés.

Pas de présence policière visible à l'intérieur. C'est marrant, je note toujours ce genre de détails.
Par contre il y a des gars habillés genre Men In Black avec des gros badges marqués Sécurité.
J'en croise un. Cheveux courts et noirs, peau très matte. Sur son badge il y a inscrit Karim M., c'est marrant, je note toujours ce genre de détails. Déformation professionnelle peut-être.
Puis plus loin, un autre security man, un grand noir qui parle dans un appareil ou avec si ça ce trouve, juste pour faire style. La sécurité civile de nos lieux publics et commerciaux est assurée par la France multiculturelle.

Comme les Men in Black, ils sont là pour protéger la France de la racaille des banlieues extraterrestres. C'est cool l'intégration. C'est marrant, je note décidément toujours ce genre de détails. A quoi ça me sert ? C'est une autre question.

virgin_store1

Je me dirige vers l'un de ces innombrables minis temples de la consommation qui fardent de leurs logos brillants cette gare majestueuse au sol si reluisant. En l'occurrence un Virgin Mini Store. Bondé de voyageurs avec leurs bagages à roulettes sur lesquels ma valise à roulette ne cesse de vouloir rouler. Je me fraye un passage à travers les rayons de livres.

books1

Le dernier Harry Potter ? Non. Ma nièce I. me le racontera par le détail et sans même que je lui demande. En science-fiction ou en fantasy que du réchauffé, du convenu et du recyclé, allez zou, on dégage du secteur.

Les hommes viennent de mars et les femmes de vénus, puisse Dieu m'en protéger encore longtemps.
Dire qu'une bonne connaissance fut à deux doigts de me le faire lire dans le but sournois de m'aider à comprendre la nature de mes relations avec A.
Je me félicite encore chaque matin d'avoir eu le réflexe de Zizou ce jour là en lui feintant sa race à la bonne connaissance.

pourquoi_les_hommes2

Pourquoi les hommes adorent les chieuses, avec le sous-titre savoir se faire respecter est la clef de la séduction. Gonflé quand même. La dernière stratégie marketing, c'est de pondre des bouquins avec des titres qui posent des questions que toute personne à peu près normale n'a jamais pensé à se poser.
Mais comme la question est posée, notre esprit avide de savoir où juste commère est du coup piqué au vif.
Je m'arrête sur la couverture une demi seconde. N'étant pas expert en chieuses et faisant de solides efforts pour les éviter, la réponse à ce pourquoi incongru je m'en fous de la savoir. Et aujourd'hui encore moins que demain.

Ces Françaises qui ne grossissent pas, c'est sur que sous la plume d'une Américaine on peu aisément faire ce type de constat, mais mondialisation aidant, t'inquiète, dans quelques temps ce sera une française qui écrira : Ces Chinoises qui ne grossissent pas.

La Méthode simple pour en finir avec la cigarette. C'est gagné !
La première chose à laquelle le titre du livre m'a fait penser c'est qu'il fallait pas que j'oublie d'acheter un paquet avant de reprendre le train.
Bon sang mais c'est une épidémie ce genre de bouquins au rayon santé, bien-être, développement personnel et psycho, Vade Rétro, Arnakass !

trois_jours

Et non, non et non, je ne vais pas me racheter le Tao Te King ou le Coran en édition de poche compact à 2 euros tout ça parce que c'est en poche compact et à 2 euros. Je continue à tourner en rond.

Je jette à peine un regard condescendant vers le rayon musique, j'en ai 1 Giga sur mon lecteur mp3, de quoi largement tenir les cinq heures de train qui m'attendent de pied ferme. Il me font presque pitié de nos jours les rayons disques.

Je continue mes circonvolutions dans le rayon livre.
Trois Jours Chez Ma Mère, le dernier Goncourt, avec la bande rouge marqué PRIX GONCOURT dessus.
Je n'ai jamais lu un seul Goncourt de ma vie, va savoir pourquoi, c'est ainsi, à croire qu'une force invisible m'en a toujours tenu éloigné.
L'esprit de Victor Hugo sans doute puisqu'une voyante italienne m'a un jour révélé que cet illustre gratteur de pages était assigné à me veiller.
Et j'avoue que je ne m'en porte pas plus mal que les Prix Goncourt m'évitent.
Tout ce cinéma, ces bizbiz entre gros et petits bonnets des milieux littéraires parisiens vérolés par l'autosuffisance intellectuelle et les petites phrases. De vrais politiciens ces gens du livre là.

Alors Monsieur Veyergans, même si tu m'es bien plus sympathique que la tête vermoulue de Michel Houellebecq dont La Possibilité d'une Ile est placé juste en dessous de ton livre, tu vas rester chez ta mère.

Et toi Houellebecq, je vais garder la possibilité de ne jamais te lire de ma vie. Même si c'est le seul bouquin naufragé avec moi sur une île déserte.
J'en ferais du papier toilettes pour les jours où j'essayerais de me conduire comme un être civilisé.

Et puis je tombe sur ce titre : Lehaim (prononcer Lérhayim) aux éditions Pocket Poche.
C'est l'hébreu du titre qui a bien sur attiré mon attention.
Tiens ? Lehaim ? Et en quel honneur ? Que se passe ?
Je m'approche. Saisit l'objet. Et non !?!? Pas possible !?!?

Je connais l'auteur !! C'est Sebban !! Michael Sebban !

Quand je dis connaître c'est connaître en vrai. Quand j'étais journaliste musical sur cette radio de sauvageons crée par des morues extraterrestres et barbues, ce gars était membre d'un groupe de rap nommé LIS.
Un groupe avec lequel mes bons vieux homies N. allias Cheikh et F. allias  Warner avaient aussi bossé à une époque. Epoque bien lointaine. Je souris une demi seconde en pensant au bon vieux temps. Et aux quelques anecdotes marrantes au sujet de Sebban.
Michael je le sais à fait des études de philos par la suite, puis séjour en Israël et enfin retour en France pour enseigner la philo à Saint-Denis. C'est rigolo de connaître le parcours de quelqu'un et de le lire dans sa bio ensuite.

lehaim___michael_sebban1

En tout cas il a pas changé, c'est lui même en personne qui pose sur la couverture. Son sempiternel chapeau sur la tête et le pif que Dieu lui a donné avec générosité. Lehaim !
Est-ce que c'est avec ce bouquin que je l'ai vu se faire caillasser par Jorge Semprun dans l'émission de Frantz-Olivier Gisbert il y a six ou sept mois de ça ?
Et oui mon brave, il m'arrive de regarder cette émission Culture et Dépendances sur France 3. C'est ma seule consolation depuis la disparition d'Apostrophe il y a des siècles de ça. Je regarde ça un peu comme un ancien fumeur se contente de patchs. Pour me sevrer de la grande époque où un livre était un livre.

Bref. Lehaim ! Je lis vite fait le synopsis au dos. Ou le pitch comme disent les intellectuels de gauche avec un ton presque jubilatoire d'après certains analystes.

Lehaim. A toutes les vies ! Michael Sebban – Editions pocket.

Rap hardcore, sale juif, amoureux, anisette de Chez Maurice, Belleville, Oran.
Allez ! Je prends. Mon vieux Sebban, on va voir ce que tu racontes depuis que t'as lâché le rap.

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Quelques centaines de minutes plus tard. Dans un train pompeusement qualifié de A Grande Vitesse. Heureusement qu'il fait nuit dehors sinon j'aurais le temps de compter les feuilles sur chaque branche d'arbre croisée. J'ai mes écouteurs sur les oreilles, ça va en mode lecture aléatoire du rap à Dalida en passant par des morceaux de musique chinoise des années 50.

Le type à côté de moi dort. Je déteste être côté couloir. Le moindre tétraplégique qui se rend aux toilettes tente vicieusement de m'amocher l'arcade sourcilière gauche dès qu'il passe à côté de mon siège. Heureusement que j'ai gardé de bonnes bases ma formation de moine Shaolin.

J'ai fini de compulser les magazines et les journaux pris à la gare. En ce moment je lis tout ce qui peut s'écrire sur les récents évènements en France.
Je parle du Freestyle géant du cramage de bagnole et du foutage de gueule organisé des politiciens et de leurs copains des médias. Presse internationale et nationale. Hebdomadaires et quotidiens. J'en ai eu pour cher mais bon, vu qu'en général je ne lis la presse que dans les salles d'attentes…

Si on devait me définir par mes magazines et mes journaux, on pourrait préjuger que je suis de gauche. Ce qui n'est pas tout à fait exact. Disons que je ne lis jamais le Figaro sous quelque forme que ce soit. Même Figaro Madame me donne des boutons dans les salles d'attentes de cabinets de médecins. Un comble quand même.

Michael Sebban, à nous deux. Je découvre que c'est ton deuxième bouquin ?
Ton premier était titré :
La Terre promise, pas encore. Mouais… C'est sur. Pas encore t'as bien raison.
En tout cas ton style est fluide. C'est l'histoire d'Eli S. Prof de philo dans le 9-3.

A peine romancé donc. Mais pourquoi pas y aller à visage découvert Michael ? D'autant qu'à un moment dans le livre il y a une coquille sur le nom du personnage principal qui de Elie S. devient subitement M.S. 

S pour Sebban. M pour Michael. Bon d'accord ce n'est pas toi tout à fait mais quand même ça y ressemble grave.
Le personnage est un jeune homme de confession juive, pratiquant modéré. Modéré au sens où je l'entends moi c'est-à-dire juste pieux, juste normalement religieux. C'est pile l'impression que tu donnes dans la vraie vie. Pieux et désordonné en même temps. Bref, atypique comme toi il est ton personnage.

Pour qui te connais même un peu, c'est toi que tu mets en scène. En fait, rien d'étonnant pour quelqu'un qui était dans la culture Hip-Hop, c'est du pur Ego Trip ton bouquin.

Tout tourne donc autour de cet Eli S. De sa nostalgie latente d'une époque où les juifs vivaient en Algérie parmi leurs cousins arabes.
Des déchirures de l'exil vécu à postériori ou par procuration.
Du sentiment d'être Français et de ce que cela signifie lorsqu'on est aussi pas QUE Français.
De son questionnement devant la difficulté d'enseigner à une jeunesse qui globalement n'en a rien à battre. Et pourquoi ? Cela tu ne le dévelloppes pas assez.
Du contrat social tel que défini dans les livres de philosophie.
De la mort du système républicain en France.
Tu affirmes bien dans le livre et à plusieurs reprises qu'il est temps de penser  autrement.
Que les vieux poncifs qui visent à assimiler, intégrer ne sont bon qu'à rassurer la France d'en haut surtout, pour paraphraser la pensée positive de feu Monsieur Raffarin.

Il y a aussi cet élève d'origine Algérienne de la classe d'Eli S. dont plusieurs dialogues parsèment le livre. Franchement Michael, il est abusé ton reubeu.
Ce Karim comme le gars de la sécurité dans le hall de gare de tout à l'heure. Vive les Karim.
Est-ce que tu as pris conscience que tu l'a toujours fait dire (enfin dire à Eli S.) m'sieur quand Karim s'adresse à Eli ? A toutes les phrases.
Un m'sieur de temps en temps je comprendrais, une marque de respect prof élève de temps à autre c'est normal et bienvenu, mais aussi systématique que ça ? Non.
La c'est limite caricatural. Voire carrément guignol de l'info.

Autre chose, je veux bien qu'il existe des hommes d'affaires juifs qui sont comme dans La Vérité Si Je Mens. Pris par la folie douce du montrer sa caillasse, très prononcée chez les sépharades culturellement exhibitionnistes, ça existe d'accord mais là aussi, t'aurais pu faire preuve d'un peu plus de finesse.
D'ailleurs, t'aurais carrément du éviter le côté
La Vérité Si Je Mens.

C'est rigolo 5 minutes mais après sérieux ça soule. Disons que ça ira très bien pour les lecteurs goyim moyens mais pour les autres, de ce point de vue, change ton stylo d'épaule au prochain bouquin.

signe_portable_train

En tout cas, ton livre se lit facilement. Le wagon dans lequel je suis se dépeuple au fur et à mesure que la nuit avance. J'en profite pour changer de place pour me poser sur un siège côté fenêtre. Là ou les sièges se font faces par deux et séparés par une table qui se déplie. Là c'est bien. On essaye de me joindre au téléphone. Pas la peine. J'ai déjà presque plus de batteries et rien de plus consommateur en batteries qu'un train. Si en rase campagne aussi, enfin quand on capte.

sudoku_train

Le gars assis de l'autre côté du couloir central à aussi changé de place. Il est plongé dans la résolution de ce jeu qui est en train de supplanter les mots fléchés. Le Sudoku. J'en ai vu partout des petits carnets de ce truc.
Voici les principes du Sudoku pour ceux qui reviendraient d'une longue retraite spirituelle parmi les Hulis de Papouasie Nouvelle Guinée. Mais pourquoi aller si loin ?

sudoku1

La grille du Sudoku est un carré de neuf cases de côté, subdivisé en autant de carrés identiques.
La règle du jeu est simple : chaque ligne, colonne et région ne doit contenir qu'une seule fois tous les chiffres de un à neuf.
J'en appelle aux adeptes de ce jeu de bien vouloir me laisser un commentaire m'expliquant la jubilation qu'il semble procurer. En tout cas si j'en juge par mon voisin. Depuis qu'on est monté dans le train il ne cesse de noter des chiffres, les effacer, transpirer, essuyer ses lunettes, grignoter son crayon, replonger vivement sur sa grille, noter un chiffre, l'effacer, transpirer etc. etc. Et ça depuis 3 heures pleines déjà.

Lehaim !

Globalement Michael, ton livre ne m'apprend rien que je ne sais ou que je ne pense déjà.
C'est ce qui m'a plu dans ton bouquin d'ailleurs.
J'y ai retrouvé une expression qui ne figure que trop rarement dans les livres écrits en français par des Français comme nous.
Car je fais comme toi partie de cette France marginalisée par défaut de la société française.
Cette France hétéroclite, complexe et culturellement diverse mais qui ne verse ni dans l'angélisme lénifiant du métissage culturel façon bobo ni dans le repli communautaire ou identitaire débile et extrémiste façon conios.

metissage_culturel

Au passage, cette expression métissage culturel ne veut strictement rien dire. En plus, elle n'est employée et comprise que par ceux qui ignorent tout des questions de métissage et de culture.
Elle figure sur bon nombre d'affiches de festivals en France pour accentuer le côté mixité sociale qui permet seulement de valider un dossier de subvention auprès de la DRAC (
Direction Régionale des Affaires Culturelles) ou de quémander quelques subsides qux organismes publics qui saupoudrent la paix sociale par le biais de ce type d'expressions nases.

Dans ton livre, Michael, tu abordes trop de sujets sérieux sur un ton que tu as voulu trop relax. Pour mieux faire passer certaines pilules ? Franchement j'en doute.
Et tout le passage sur la parano d'Elie S. lorsqu'il se fait traiter de Sale Juif, c'est trop. Une chose est sure, tu as bien montré quels sont les réflexes qu'emploie toute personne dont l'identité est humiliée et prise pour cible par des tocards.
Et ce livre te ressemble. Très intéressant, très nourri de réflexions multiples aux sources différentes (le talmud, les textes de rap, ceux des philosophes…) mais les problèmes que tu abordes tu ne les as pas assez classifiés, ni permis qu'on y voit un peu plus clair.

Tu abordes l'intégration et la faillite du système assimilationniste français. D'ailleurs les actualités enfoncent le clou pointé par ton bouquin, cool pour toi. C'est pour ça qu'ils l'on ressortit chez Pocket ? Ils loupent rien ces gens du livre là.
Tu poses aussi la question du comment être juif Français en France quand l'antisémitisme pointe sa face de rat galeux, tu chante le mysticisme hassidique, la justesse des mots du rap quand on prend la peine de les écouter, la poésie du surf et milles autres choses encore.
C'est assez bien écrit mais trop fouillis. Mais bon, c'était cool de te lire. Je ne regrette pas mes 6 euros, et si un minuscule pourcentage de mon achat parvient sur ton compte, c'est avec plaisir qu'il t'est fourni.
Ce livre te ressemble car il est sérieux et désordonné en même temps. Bref, atypique comme toi il est ton bouquin.

Au fait, entre nous Michael, tu la connais vraiment la vraie recette du Berbouche ?

Dans une demi heure, je suis arrivé. Tiens, mon voisin s'est endormi sur son Sudoku. Je croyais que c'était sensé éveiller les sens à un degré proche de l'illumination du Bouddha ce truc.

Lehaim !

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Commentaires
T
Similairement a M. Dubouc je souhaite vous demander l'autorisation d'utiliser cette image de hall de gare a des fins non lucratives pour illustrer une affiche de la compagnie de théatre amateur à laquelle j'appartiens. Il sera bien entendu fait mention du nom de votre site.<br /> Merci d'avance de votre réponse.<br /> M. Pincon
M
Bruno Dubuc> Utilisez, la photo provient d'une amie. Pas de soucis mon ami.<br /> <br /> K.
B
Bonjour,<br /> <br /> Je m'excuse à l'avance d'utiliser cet espace pour communiquer avec vous, mais je n'ai pas trouvé d'adresse email. Je voudrais savoir s'il serait possible d'utiliser votre photo "halle_de_gare1.jpg" dans un article de vulgarisation scientifique sur l'attention à paraître dans le thème sur la conscience du site Le Cerveau à tous les niveaux (www.lecerveau.mcgill.ca) d'ici quelques semaines. Il s'agit d'un site éducatif entièrement sous Copyleft. Si c'est possible, indiquez-moi par quelle mention vous voulez qu'on vous crédite l'image.<br /> <br /> Merci de votre attention,<br /> Bruno Dubuc<br /> Coordonnateur du site
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